Il y a des expressions qui finissent par me filer des boutons de rougeur, par exemple : la gestion de la relève, la planification des carrières, la gestion des compétences et le talent management. Après avoir promus ces approches ressources humaines au top de l’excellence en la matière, je finis par me demander si un regard d’ironique tendresse serait à mettre à l’ordre du jour de l’agenda de notre métier RH.
La gestion de la relève et la planification des carrières sont particulièrement chahutées. Les organigrammes des entreprises étant en défibrillation constante, du fait d’une absence de visibilité sur l’environnement économique, la planification à moyen et à long terme s’inscrit aux abonnés absents.
Imaginez un responsable RH pour la Suisse romande qui sillonnerait toutes les succursales d’un groupe afin d’établir l’organigramme dynamique de la région. Chaque case de l’organigramme des cadres devant comporter, de manière codée, la projection potentielle de carrière de l’individu. Une flèche horizontale pour un éventuel transfert dans une responsabilité transversale de même niveau. Traduction : une carrière en plateau descendant est programmée. Une flèche tournée vers le haut. Numéro 3 accolé au dessin : pourrait remplacer la personne ad intérim, en cas de passage sous un trame du titulaire. Numéro 2 : potentiel possible. Numéro 1, potentiel réel. D, comme « désigné » : relève clairement identifiée.
Aucune indication derrière la case, sûrement un problème à éventuellement régler.
Résultats : de très belles discussions avec les responsables de division et avec les chefs des succursales, puis le bébé de ces rencontres est accouché sous la forme d’un grand classeur annuel répertoriant la relève de plus de 500 cadres. Fier, le RH, envoie le classeur à la direction générale. Observation personnelle sur plusieurs années : moins de 10 pour cent des décisions de désignation à un poste – clé provenaient de la planification se trouvant dans le fameux classeur !
Au feu les classeurs et le RH, au milieu !
La carrière est une chance qui se prépare aussi bien à l’interne qu’à l’externe de l’entreprise. La préparation relève d’une responsabilité personnelle. Chaque cadre doit prendre son destin professionnel en mains en se considérant comme une entreprise en soi, au sein d’une grande entreprise. Certes, la grande entreprise doit créer des conditions favorables pour aider la personne qui s’aide elle-même. Visualisez un cadre dans un ascenseur. Il ne devrait pas poser ses valises sur le fond de l’habitacle. Il monte certes vers un étage, mais il porte aussi ses valises. Si je porte mon avenir professionnel au bout de mes bras, si je me prends en charge, alors j’aurai, peut-être, sûrement, la chance de prendre opportunément un lift pour l’étage inattendu.