INTERVIEW DE JESUS-CHRIST Paru dans l’1 Dex premier numéro !

LA SEC: UN VRAI BUSINESS MODELE.
MAXIME : Jésus, en tant que conseiller en leadership, je suis mandaté par une grande multinationale, la Sainte Eglise Catholique (SEC), dont le siège est à Rome, et qui possède des succursales dans le monde entier.
JESUS : Il s’agit bien de cette entreprise qui se réclame de moi en priorité ?
MAXIME : Oui, il s’agit d’un vrai business modèle, qui rencontre un succès planétaire. Pourtant, des problèmes récurrents de perception surgissent, du fait d’un décalage entre les cadres de la firme et leurs clients. Par ce mandat, la SEC aimerait retrouver le sens premier de ton message, pour mieux réorganiser sa mission et sa gouvernance.
JESUS : Tu penses vraiment que cela changera les mauvaises habitudes, séculaires, de cette institution ?
MAXIME : Mes mandataires m’ont affirmé que je pourrai publier les résultats de cette enquête …
JESUS : Cela suffira-t-il ? Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que la SEC n’a pas le monopole sur l’histoire de ma vie ou sur le sens des messages que j’ai délivrés.
MAXIME : Bien, mais comme la SEC me paie, tu comprendras que je me tienne dans la ligne de leurs hiérarchies superposées ! Jésus, que dirais-tu si tu devais nous raconter ta vie ? ll y a trente ans sur trente-trois dont on ne connaît rien !

DE LA CHARPENTE A L’ERRANCE.
JESUS : Tu sais bien que ma vie cachée est « top secret » ! Au film de ma vie, on m’a imposé un générique : naissance dans une crêche, visite des rois-mages, fuite en Egypte, présentation au Temple, et dans mon jeune âge, premier discours parmi les docteurs. Je me suis laissé dire que celle dont je suis le fils, Marie, était vierge et que ce serait l’esprit du Créateur qui l’aurait fécondée, et non mon cher père, Joseph. Le début du film indique que je serai un pauvre errant, riche d’une vie à vivre autrement.
MAXIME : Tu minimises la portée des évangiles qui parlent de ton enfance ! Est-ce que tu réalises que ces récits sont le terreau du catéchisme de la SEC ?
JESUS : Regarde, vois, entends, comprends : des bergers, une étoile, une étable, un enfant visité par de grands magiciens, l’errance d’une famille pourchassée, un bébé présenté au Temple, réveillant les promesses d’un sage vieillard, taquinant les savants. L’ADN de ma vie commençait à germer, cela aurait dû aussi être valable pour la SEC !
MAXIME : Bien … passons sur l’enfance. Qui était Jésus avant sa vie publique ?
JESUS : Je travaille avec mon père et mes frères. Mes sœurs sont confinées à la maison, avec ma mère, qui s’inquiète déjà pour mon avenir professionnel. Très jeune, j’aide à la construction de Séphoris, une petite ville située à quelques kilomètres de chez moi. Mon père sait tout faire, mais nous sommes spécialisés dans les charpentes. En grandissant, j’ai commencé à observer la Galilée et ce petit monde en ébullition : un vrai Capharnaüm ! Et puis, j’écoute aussi les rabbins … et leurs commentaires appellent mes commentaires, contradictoires.
MAXIME : A cette époque de ta vie, comment te décrirais-tu ?
JESUS : Je suis traversé et aimanté par la vie : la nature, les arbres, les chemins, les champs, les saisons, les gens, les grandes personnes, les enfants, les femmes et leur vie difficile, les maîtres, les serviteurs, les propriétaires, les récoltes, les percepteurs d’impôts, l’occupant romain, les sbires du roi Hérode, les groupes religieux, les enseignants, les prêtres, les prostituées. Je suis profondément choqué par la déréliction humaine : les exclus, les femmes répudiées, les malades, les lépreux, les aveugles, les paralysés. J’ai envie d’être un poète efficace qui, par sa parole, ses yeux et ses mains, par son don et par son pardon, guérit et sauve toute la détresse rencontrée.
MAXIME : C’est ce que tu as génialement mis en œuvre ! Cette idée de devenir un guérisseur-prophète-enseignant provocateur s’est-elle imposée d’emblée ?
JESUS : Je n’ai pas eu le choix. Qumrân et sa pureté formelle me rebutent. Quant à Jean, il baptise à l’écart, au bord du fleuve. Nous nous reconnaissons dans notre volonté de convertir, de changer le cœur des hommes et des femmes pour les mettre en accord avec la vie que le Créateur nous a donnée. Par contre, je fais une expérience unique : je me reconnais fils du Père de toute la création. Je cultive par la prière personnelle et solitaire ce lien que j’ai trouvé dans le baptême. Désormais, je sais que je suis fils, premier-né d’une multitude de frères et sœurs.
MAXIME : Tu choisis donc ta propre voie ?
JESUS : Oui, je me lance. J’avais déjà quitté mon village et ma famille pour suivre Jean. Je décide ensuite de parcourir la Galilée, la Samarie et de monter à Jérusalem. Pas de maison, pas d’endroit où reposer ma tête … Et en chemin, des disciples me rejoignent, qui quittent leur maison, qui abandonnent leurs filets de pêcheurs pour, comme moi, devenir des pêcheurs d’hommes.
MAXIME : Ce style de vie engendre-t-il des réactions ?
JESUS : Oui, surtout dans ma famille : partir du clan est un acte fort et difficile à accepter dans un système patriarcal. Les miens tentent de me faire abandonner ce vagabondage. Tout le monde me prend pour un fou ! Pourtant, la loi du sang n’a plus de sens puisque nous sommes tous des frères et sœurs en chemin pour le royaume !

UN SEUL CREDO : PAR-DONNER.
MAXIME : En parlant de famille … que penses-tu de ce grand ramdam des dignitaires de la SEC à propos du mariage, gay ou hétéro, du divorce et de l’éducation des enfants, de la continence sexuelle imposée aux prêtres, etc. ?
JESUS : Lisent-ils vraiment les textes qu’ils proclament, habillés comme des princes ? Ils imposent des fardeaux qu’ils ne sauraient eux-mêmes soulever. Savent-ils que je prolonge la vie de mon Père en par-donnant infiniment ?
MAXIME : Que veux-tu dire, par une vie qui par-donne ?
JESUS : La vie nous a été offerte par notre Père, le Créateur. Il ne nous demande pas de payer ce don, de rembourser cette dette. Par contre, nous nous devons de prolonger le don reçu : chaque homme, chaque femme se doit de donner à tout un chacun … par-donner. Mais les religions, surtout la SEC, captent le flux de ma grâce, pour la redistribuer selon leur bon vouloir. Il s’agit là d’un abus capitalistique !

UNE SEULE VOLONTE : PUNIR LES OPPRESSEURS ET SUPPRIMER TOUTE HIERARCHIE.
MAXIME : Malgré ce pouvoir de pardonner, tu t’es heurté violemment à des groupes institués. Et tu en as payé le prix.
JESUS : Je suis pour que les maîtres et les docteurs, les césars et leurs satrapes, les grands prêtres du Temple et leur système mafieux, soient renversés. Cela est aussi valable pour la SEC, qui s’arroge tous les attributs de l’ancien Temple et de l’Empire romain. Pontifex, le pape, est aujourd’hui nommé comme autrefois l’empereur était désigné.
MAXIME : Tu exagères ! Tout groupe humain a besoin d’une organisation, même si celle-ci peut engendrer des effets pervers, car régie par des humains ! D’ailleurs, à ce propos, abordons le sujet des prêtres pédophiles … en ce qui les concerne, que doit arrêter de faire la SEC ? ou continuer de faire ? ou se mettre à faire ?
JESUS : Il y a beaucoup de serviteurs fidèles, hommes ou femmes, capables de prolonger le don qu’ils ou elles ont reçu. Je suis au cœur de leur service dans l’intensité et la fragilité de leur vie. Pour ceux ou celles qui ont abusé des plus humbles, qu’on leur mette une meule autour du cou, et qu’on les précipite dans la mer !
MAXIME : Es-tu certain que je puisse écrire ce que tu viens de dire ?
JESUS : Celui qui détruit la vie des plus humbles porte la mort en lui … et qui le protège est tout autant mortifère. Il n’y a pas d’autre exégèse.
MAXIME : Punir des prêtres, renverser toute la sainte hiérarchie … vraiment ?
JESUS : La superbe des puissants, fussent-ils membres de la SEC, qui te mandate, est en complète contradiction avec ce que je prône, à savoir l’amour pour les plus humbles d’entre nous, qui eux entreront dans le royaume. Dès lors que j’ai tenu ce discours, les autorités se sont réunies pour me perdre. Je refuse aujourd’hui que la SEC enchâsse la dangerosité de ce message dans de saintes reliques !
MAXIME : La SEC m’a demandé des ajustements par petites touches, non pas une renversante transformation !
JESUS : Que m’importent les petites touches ! Et toi, oublie ton mandat, renonce à tes honoraires ! Ces deniers ne te vaudront pas le salut !
MAXIME : Tu m’obliges trop souvent à la gratuité … ce que je t’accorde pourtant volontiers. Mais pour ma peine, aide-moi à comprendre !
JESUS : Les gourous chrétiens, qui terrorisent leurs fidèles sous prétexte de les sauver, ne comprennent pas l’impératif du service, qui combat tout empire, fût-il clérical. Je ne supporte pas ceux qui se font appeler « père » : il n’y a qu’un Père … et pas de docteur, pas de leader, pas de maître. Ma religion, si c’en est une, c’est d’être le serviteur de tous. L’amour renverse toutes les hiérarchies !
MAXIME : Mais enfin, l’essentiel du business de la SEC est très structuré par les services, comme par exemple les sacrements : baptême, réconciliation, eucharistie, etc. !
JESUS : Les frères et sœurs se baptisent eux-mêmes, et se réconcilient entre eux. Nul besoin du clergé pour ce faire ! Et en ce qui concerne l’eucharistie, la messe est devenue le core-business le plus juteux de la SEC ! Pourtant, nul besoin de prêtre pour entendre ma parole : toute personne, y compris les femmes, qui partage en assemblée le pain et la coupe de vin, en faisant mémoire de moi, me rend vivant dans ce partage.
MAXIME : C’est donc cela, ta résurrection ! Et si tu revenais ?
JESUS : Grand nigaud ! Je n’ai pas à revenir : je suis parmi vous jusqu’à la fin du monde.

FRANçOIS : L’AMI DU CHRIST.
MAXIME : Et que penses-tu de ton vicaire, François, l’actuel Chief Executive Officer de la SEC ?
JESUS : Il y a un dialogue entre lui et moi, qui appartient au secret de nos cœurs. J’aime son tempérament : franc, roué, doué, courageux, intense. Il sait communiquer et transmettre mon message. Il ne joue pas un rôle : il existe comme fils de mon Père, comme mon frère et le frère de tous. J’espère que ton rapport va conforter ses intuitions. Mais il devrait se méfier !
MAXIME : Se méfier ?
JESUS : Les individus ne sont pas trop dangereux en soi, au contraire des groupes, fussent-ils porteurs de mon nom. Les logiques de groupe sont sectaires et violentes par essence. Les groupes veulent montrer leur puissance et sont prêts à tout pour la maintenir et la développer, y compris, et surtout, à la SEC. Et François compte beaucoup d’ennemis au sein de la SEC.
MAXIME : Quel dernier message pour le mandataire de la SEC ?
JESUS : Il faut que la SEC cesse de vouloir évangéliser les seuls individus, et qu’elle se penche sur les comportements de groupe. Enfin, la SEC doit surtout et principalement s’auto-évangéliser.
MAXIME : Mais comment ?
JESUS : C’est simple : la SEC aurait dû confier ton mandat au fils du Père ! Ils doivent enfin me faire confiance !

LES RECOMMANDATIONS DU MANDATAIRE DE LA SEC
1. La Sec nomme désormais des clercs qui manifestent prioritairement des sentiments anticléricaux. Ils, ou elles, ont un contrat de travail partiel en dehors de la SEC.
2. La SEC supprime les échelons hiérarchiques inutiles : les cardinaux et les archevêques disparaissent, seuls subsistent les évêques-prêtres de proximité. Lors des célébrations, les habits de prince sont proscrits, y compris au Siège Central.
3. Les femmes et les hommes de bonne volonté, désignés par les communautés, servent tous les sacrements. Ils seront formés sur le terrain par les évêques-prêtres de proximité.
4. La référence au Jésus terrestre devient la norme institutionnelle de la SEC.
5. La résurrection se manifeste dans le partage du pain et du vin, avec les paroles qui font mémoire. L’eucharistie est donc le pardon de tous.
6. L’inclusion des exclus devient la norme.

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